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Pourquoi certains individus et certaines communautés sont-ils épanouis et d’autres pas ?

Cette question est d’une importance capitale car le bien-être des individus, familles et nations dépend de ce qu’elle aura comme réponse.

Elle ne date pas d’hier. Elle a traversé temps et générations et on la retrouve au centre de toutes les interrogations existentielles.

Elle est d’une complexité évidente tant les éléments de réponses qui en découlent sont nombreux et souvent interdépendants.

C’est une interrogation formative. Les lois, l’éducation, les droits de propriété, l’économie, les formes de gouvernement, la politique et même l’exercice de la religion, ont été influencés et façonnés selon les réponses obtenues.

Traduction de l’image : Du haut vers le bas

Symptômes

Problème

Cause, cause, cause, cause

Image tirée de Visual Paradigm Online

Notre question aborde un problème. Or, résoudre efficacement un problème exige de nous une compréhension correcte de celui-ci. Ne dit-on pas qu’un problème bien compris est à moitié résolu, parlant ainsi de la moitié la plus importante ?

L’année dernière, j’ai abattu trois grands arbres Sissou disgracieux dans ma cour et j’ai même broyé les souches. Mais, à mon grand étonnement, le système racinaire invisible a continué à se développer et, en quelques mois, j’avais une centaine de petits arbres Sissou dans mon jardin ! Je pensais avoir résolu le problème mais j’avais négligé de m’occuper efficacement des racines.

Je pense que nous sommes confrontés à cette même réalité lorsque nous traitons de nombreux problèmes graves auxquels nous faisons face aujourd’hui en tant qu’individus et dans la société. Il y a un aspect de la racine qui passe inaperçu et qui n’est pas abordé. Il s’agit de la question de la vision du monde. Un profond silence persiste lorsqu’il s’agit du rôle de la vision du monde dans les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui – problèmes qui constituent de véritables freins à l’épanouissement humain.

Pourquoi ce silence ?

Les racines de la vision du monde

Définie simplement, la vision du monde est la façon dont les gens conçoivent la vie. Il s’agit des hypothèses inconscientes que les gens ont sur qui ils sont, le sens de la vie et la façon dont le monde fonctionne. Nous appelons également cela état d’esprit, croyances, perspective de vie ou encore façon de penser. De notre vision du monde découlent nos valeurs, notre discours et notre comportement. C’est de notre vision du monde que l’on tire notre perception de nous-mêmes ainsi que celle que nous avons de la vie.

La vision du monde est tout aussi individuelle que collective ; c’est à la base de la culture. La culture est la façon dont un groupe de personnes voit le monde, croit, a des valeurs, parle et se comporte, généralement sans y penser. Les différentes cultures que nous voyons dans le monde sont nées chacune d’une vision du monde particuliière.

Le Silence

Le silence sur la vision du monde est donc un silence sur le rôle de la culture dans le façonnement de l’épanouissement humain et de la pauvreté.

L’exemple suivant remonte à quelques années. Il y avait un article du New York Times dans leur édition asiatique qui traitait de la relation entre l’assainissement et la malnutrition des enfants en Inde. Il s’agit d’un long article qui cite divers experts et recherches. Cependant, dans un court paragraphe, l’auteur écrit :

Dans une découverte peu discutée mais surprenante, les enfants musulmans en Inde ont jusqu’à 17% plus de chances de survivre à la petite enfance que les hindous, même si les musulmans sont généralement plus pauvres et moins éduqués. Cette énorme différence dans la mortalité infantile s’explique par le fait que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles d’utiliser des latrines et de vivre à côté d’autres personnes utilisant également des latrines, selon une analyse récente.

Parce que l’auteur a mentionné cette distinction culturelle entre musulmans et hindous, un critique a qualifié cet article de “l’une des pièces les plus absurdes, les plus farfelues et les plus laides du racisme hindou dans le journalisme”.

Un autre lecteur a répondu :

Les causes profondes sont assez faciles à voir : des densités de population très élevées, en particulier dans les villes ; une pauvreté abjecte ; une infrastructure qui s’effondre ; et la corruption à tous les niveaux qui dévore les fonds alloués à l’amélioration des conditions avant que rien ne soit fait. Cela n’a rien à voir avec la religion ou la culture (c’est nous qui le soulignons).

Ce n’est qu’un exemple, mais il reflète un problème plus large dans la société actuelle. Il s’agit d’une réticence à tenir compte de la vision du monde et des considérations culturelles dans l’analyse des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Encore une fois, pourquoi ?

Hors de la vue – Hors de l’esprit

Une réponse à cette question vient du fait que l’on ne peut pas voir une vision du monde, Voici d’abord, l’une des raisons pour lesquelles vous ne pouvez pas voir une vision du monde, ni la sienne et encore moins celle de quelqu’un d’autre ; c’est parce qu’une la vision du monde est comme une paire de lunettes sur l’esprit. Mettez une paire de lunettes, et vous ne voyez pas les lentilles des verres, vous voyez plutôt à travers elles. Il en va de même pour la vision du monde. Une personne ne peut pas voir sa vision du monde parce qu’elle voit à travers elle. Votre vision du monde est donc la lentille à travers laquelle votre esprit vous fait comprendre et vous donne un sens à la vie.

Acquis, Non choisi

Ensuite, personne ne choisit réellement d’avoir telle ou telle vision du monde. Un enfant par exemple ne choisit pas sa vision du monde mais s’imprègne de la vision du monde dans laquelle il est né. Si vous êtes né au sein d’une famille Massaï du nord de la Tanzanie, vous aurez une vision Massaï du monde. Cette vision aura façonné la culture Massaï qui influence toute la vie et se manifestera dans les comportements collectifs, les environnements physiques, les rituels de groupe, les symboles visibles, les histoires et les légendes. À son tour, cette culture devient un modèle social auto-renforçant qui oriente la vision du monde et les actions de ses membres de génération en génération. La vision du monde façonne la culture, puis la culture renforce la vision du monde et la transmet à la génération suivante.  Par conséquent, vous ne choisissez pas votre vision du monde, vous l’obtenez à partir de la culture dans laquelle vous grandissez.

Elle est personnelle

Troisièmement, une vision du monde est personnelle. C’est la façon interne dont un individu ou un groupe voit le monde. Parce que la vision du monde est interne, et que la culture qu’elle produit influence toute la vie, la vision du monde est souvent confondue avec l’identité de la personne ou du groupe. Par conséquent, remettre en question la vision du monde, ainsi que les valeurs et les comportements qui en découlent, est ressenti comme une attaque contre la personne et son identité.

Parce que la vision du monde est personnelle et non pas choisie mais acquise, un ami qui travaillait au (autrefois) Zaïre a déclaré que parler de la vision du monde comme d’un facteur permettant d’aborder les problèmes de pauvreté revenait à blâmer la victime. Ne serait-ce que l’envisager, c’était mal – immoral.

Résistance au changement

La vision du monde étant invisible, acquise/non choisie, et personnelle, elle manifeste une véritable résistance au changement et aux influences extérieures.

Quelques exceptions

Soulever le facteur de la vision du monde et de la culture lors de l’analyse des problèmes d’un individu ou d’une société revient à toucher un point sensible.

Il existe toutefois des exceptions à cette règle. Dans le monde du sport et des affaires, les dirigeants soulignent souvent le rôle de la culture dans la réussite de leurs organisations.

Le gourou des affaires Peter Drucker est connu pour avoir dit : << La culture mange la stratégie pour le petit déjeuner >>. Il a vu des entreprises dotées d’excellentes stratégies échouer néanmoins à cause de la culture.

Dans le monde du sport, les entraîneurs et les joueurs parlent souvent de l’importance de la culture. Nick Saban, qui dirige le programme de football de l’université d’Alabama, a souvent affirmé que la véritable clé de la victoire est une question de mentalité. Il dit attendre de ses joueurs qu’ils adhèrent à la culture qui a permis à l’équipe d’Alabama de réussir année après année. De même, lorsqu’une équipe perd régulièrement, la question de la culture ne tarde pas à être soulevée.

Dans le sport et les affaires, il existe un sentiment inné que la culture est importante.

Pourtant, lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes individuels et sociétaux, la vision du monde et la culture ne sont pas prises en compte. En conséquence, nous limitons la compréhension et les solutions. Les symptômes sont traités, mais pas les problèmes de fond. Comme les arbres Sissou dans mon jardin, les problèmes sont traités, mais ils réapparaissent sous de nouvelles formes.

Intégrer la vision du monde dans l’équation

 Un point de départ pour comprendre et analyser la vision du monde est d’examiner les trois relations primaires qui constituent toute l’existence humaine et la façon dont les gens les perçoivent. Chaque individu et chaque culture, chaque philosophie et chaque religion a une compréhension de ces trois relations. Chacun a sa propre réponse. Les cultures diffèrent les unes des autres parce qu’elles ont des réponses différentes.

Les trois relations primaires sont la façon dont les gens se rapportent à ou comprennent 1- Dieu (ou ce qui explique tout ce qui existe), 2 – eux-mêmes et les autres (l’humanité), et 3 – le monde qui les entoure.

Traduction du diagramme :

Première flèche (en haut, à gauche) :
Qu’est-ce qui en fin de compte explique tout ?
Une vision de Dieu,
la matière seule,
un enseignement sacré,
une philosophie particulière ?
Premier cercle bleu (au centre-nord) :  La grande explication de tout ? 

Le cercle central orange : Vision du monde.

Deuxième flèche (en bas à gauche) :
Quelle est la place et le rôle des humains dans ce monde ?
Comment devrions-nous interagir avec celui-ci ?
Deuxième cercle bleu (en bas à gauche) : Le monde physique ?

Troisième cercle bleu (en bas à droite) :
Être un humain ?
Troisième flèche (en bas à droite) :
Être humain, qu’est-ce que cela signifie ?
Notre nature, notre but et notre identité ?

Tout d’abord, à propos de Dieu. Quelle est notre relation avec Dieu ? Qu’est-ce qui explique tout ce qui existe ? La réponse se rapporte-t-elle à Dieu ou à un autre être divin ? Est-ce la conscience divine ou l’énergie cosmique ? Serait-ce plutôt la matière physique, à elle seule, la raison de tout (y compris la conscience) ?

Ensuite, par rapport à nous-mêmes et les autres. Que signifie être un être humain ? Qu’est-ce qui définit notre nature, notre but et notre identité ?

Enfin, par rapport au monde. Quelle est notre relation avec le monde physique ? Quelle est la place et le rôle des personnes dans ce monde ?

Ce sont les grandes questions qui, en fin de compte, façonnent nos vies, nos familles et nos communautés. Pourtant, nous ne nous les posons pas, car n’ayant pas à le faire. Les réponses sont imprimées en nous par notre culture – la culture de notre famille, de notre communauté et de nos semblables. Un enfant Massaï verra donc ses rapports avec Dieu, lui-même, les autres et le monde dans lequel il vit à travers la vision du monde commune aux Massaï.

Analyse des visions du monde et de leurs effets

Alors, comment commencer à identifier une vision du monde et la manière dont cette vision influence l’épanouissement de l’homme et les problèmes qui le limitent ?

Un point de départ utile est d’examiner comment les différentes philosophies et religions répondent aux trois questions relationnelles, puis de voir ce qui s’applique à votre propre contexte ou à la situation de la personne ou de la communauté que vous servez. Vous trouverez des idées différentes et, avec elles, des conséquences différentes en termes de valeurs et de comportements. Voici le lien d’un tableau de vision du monde que vous trouverez peut-être utile pour commencer à décortiquer les idées des visions du monde et leurs différences.

Prenons l’exemple de notre ami Arturo Cuba qui illustre l’impact de la vision du monde sur la vie de tous les jours. Il a grandi dans un pays où tout le monde croyait que le travail était une malédiction. C’était connu de tous dans sa communauté, parmi ses amis et dans sa famille. Tous savaient que le travail était une punition de Dieu, infligée sur la terre à cause de la désobéissance d’Adam et Eve. Par conséquent, le travail était considéré à juste titre comme une corvée, une dégradation et une oppression. Puisque le travail était une punition, il n’y aurait pas de travail au paradis. La bonne vie ou la vie souhaitable était celle où il n’y avait pas de travail à faire, seulement de la détente et des loisirs. Les entreprises et les employeurs sont nécessaires car une personne doit travailler pour survivre. Cependant, le travail étant une malédiction et une oppression, la relation entre employeur et employé est naturellement conflictuelle. L’employeur devient l’instrument de la punition, et l’employé, l’objet de la punition.

Arturo a vu l’attitude et la réaction des gens à l’égard du travail changer radicalement lorsqu’ils ont pris conscience de ces vérités éternelles : 1- Dieu a créé le travail avant que le péché n’entre dans le monde, 2 – Dieu lui-même travaille, et 3 – Dieu a donné le travail à l’humanité comme une bénédiction.

Si nous voulons vraiment aider les individus et les communautés à s’épanouir, nous faisons bien de nous pencher sur la question de la vision du monde et de dépasser le silence que nous maintenons souvent sur celle-ci.

Comment y parvenir ? Il ne suffit pas de prêcher aux gens ; mais il faut aussi patiemment aider les individus et les communautés à faire le lien entre les croyances et les conséquences. Puis, après qu’ils ont reconnu ce lien, les accompagner vers une véritable connaissance de Dieu, d’eux-mêmes et du monde qui les entoure : un chemin qui les mènera à la guérison et à la plénitude.

 

Dwight Vogt est vice-président des programmes internationaux de l’Alliance pour le Discipulat des Nations. Il est titulaire d’une licence en psychologie et d’un master en études interculturelles de l’université Biola. Il est l’auteur de Made to Flourish: God’s Design for all Individuals, Communities, and Nations (Créé pour s’épanouir : Le dessein de Dieu pour tous les individus, communautés et nations) et  Footings for Children: Imparting a Biblical Worldview So They Can Thrive(Fondements pour enfants : Leur transmettre une vision biblique du monde afin qu’ils puissent s’épanouir). Il a obtenu un master en études interculturelles et en missiologie à l’université Biola. Avant de rejoindre l’ADN en 2011, il a travaillé pendant 27 ans pour Food for the Hungry, où il a notamment occupé des postes de direction sur le terrain en Thaïlande, au Bangladesh et au Pérou. Lui et sa femme, Deborah, vivent à Phoenix.

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